De l'irréel au pixel...

Editorial
Photo © V. Krebs
Photo © V. Krebs
Rabah Tounsi, English version Anna and Adelasia Grandone, proofreading Sarah Webborn
03 février 2007

La télévision est une invention relativement récente. Les nouvelles technologies, telles qu'Internet ont seulement été utilisées depuis une dizaine d'années comme outil de communication de masse. Ces outils ont changé notre façon d'échanger des informations et de communiquer à travers le monde. Mais qu'est-ce qu'ils ont changé concrètement? Comment est-ce qu'ils sont liés au volontariat et au travail d'une organisation telle qu'ICVolontaires?

Le spectateur comme l'internaute, qui à vrai dire sont les mêmes, un voyageur immobile, a de nos jours, plus que jamais, besoin d'une boussole et d'un carnet de route. Le territoire des images et la toile sont devenus trop vaste et trop divers. Qu'est-ce qui explique que des millions d'êtres humains dont les jours sont comptés, sacrifient plusieurs années d'une vie, si l'on additionne les milliers d'heures passées devant le poste ou l'écran, à une activité essentiellement perceptive et qui ne rapporte pas d'argent?

Contrairement au cerveau ou à la voie lactée, on sait presque tout de la télévision et du web, depuis la fabrication, miette par miette, des appareils impliqués dans les fonctionnements, en passant par les milliards d'informations que livre internet jusqu'à la réception des programmes (où le taux d'écoute peut être mesuré chaque quart d'heure). Les raisons qui font des hommes des téléspectateurs et des internautes assidus, et d'une grande majorité de sociétés, des "sociétés du spectacle", restent mystérieuses.

La télévision et le net se développent, conquièrent des audiences et des abonnés toujours plus nombreux, et beaucoup les accusent de corrompre la jeunesse et de ruiner les assises culturelles de nos sociétés. Certains enseignants rejettent la télévision, les milieux intellectuels prétendent la mépriser ; les enfants l'adorent et les parents la regardent de plus en plus. La télévision et quelques programmes sont déclarés coupables de tous les maux de la terre, on leur impute des maladies, la bêtise, l'ignorance, l'inculture, la violence, la vulgarité. Et de tout cela pas la moindre preuve réelle n'est avancée. Pour un peu, on les rendrait responsables du mauvais temps. La virulence n'a d'équivalent que la pauvreté des arguments et des travaux chargés de les étayer. Des certitudes existent, montrant les profits que les générations nouvelles et anciennes peuvent escompter de ces supports.

Ne recommençons pas les batailles inutiles, perdues autrefois contre la radio, la bande dessinée, le disque, l'imprimerie, les livres de poches, la grande presse... L'argumentation n'a guère changé avec le temps : à chaque nouvelle ère, on entonne la même rengaine. Apprenons plutôt à vivre avec ce flots d'images et d'informations, à les faire aimer. Si elles participent à l'évolution en profondeur des comportements culturels, c'est en instillant de nouvelles formes de pensée, de solidarités dans les rapports sud-sud et nord-sud (voir le Programme CyberVolontaires) et de perception au travers de leurs propriétés matérielles et technologiques.

Ne laissons pas ce monde des technologies de l'information par conséquent ressembler seulement et uniquement à un répertoire de connaissances techniques. Il n'est rien s'il ne parvient pas à rendre contagieux cet esprit d'enthousiasme, d'ouverture sur le monde et aussi cette lucidité à l'égard du pouvoir de l'image et de l'information, cette capacité de transformer l'information en savoir et le savoir en sagesse.

A travers ses projets, ICVolontaires fait en sorte que nos rencontres avec le monde permettent à chacun qu'il s'interroge à son tour. Dès lors la finalité n'est pas la technologie pour la technologie, mais l'internaute devient ainsi un acteur, un créateur, un catalyseur d'idées à la fois éclairé, exigeant et fondamentalement curieux lui aussi, orientant ses efforts vers ceux qui en ont besoin le plus.

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